L’avancée de la mer, du fait de l’érosion côtière est réelle. Dans la ville balnéaire de Grand-Bassam, l’Océan a gagné plus de 100 mètres sur le continent, de 1960 à ce jour. Dans leur progression, les vagues troublent constamment la quiétude de milliers d’habitants dont les villes et villages sont à chaque bouleversement, menacés de disparition. Enquête.
24 août 2011. Les populations vivant sur le littoral à Port-Bouët sont surprises dans leur sommeil par l’eau de mer. Cette montée des eaux se reproduit le lendemain et le surlendemain toujours dans la nuit. A la suite du passage des vagues folles, même si fort heureusement, aucune perte en vie humaine n’est signalée, les dégâts matériels sont importants: des rangées de maisons ont été totalement englouties. En bordure de mer, les sinistrés impuissants, regardent partir sur l’eau, au petit matin du 25 août 2011, leurs biens: appareils électro ménagers, matelas, ustensiles de cuisine, etc. Le spectacle est désolant à tout point de vue. Les populations installées en bordure de mer dans la zone allant du quartier Gonzagueville à Jean Folly en passant par l’escale des Princes jusqu’à la limite d’Adjouffou, ont été les plus éprouvées. «Dans cette zone, ce sont 187 logements qui sont entraînés par les eaux, le premier jour », conte avec tristesse, la présidente du collectif des victimes du raz-de-marée de Port-Bouët, Philomène Kacou Agnimou épouse Grobo. « Là, ce sont trois rangées de maisons qui sont tombées dans l’eau, au fur et à mesure, les pans qui restaient s’effritaient », poursuit-elle. A la date du 6 février, ce sont, au total, 1047 familles qui ont été touchées à Port-Bouët par le phénomène, selon le collectif des victimes de la commune.
Menace de la mer
Lorsque les vagues se déchaînaient et troublaient la quiétude des riverains sur le littoral à Port-Bouët, elles menaçaient au même moment, plusieurs personnes dans le département de Grand-Bassam. « Les vagues venues ces jours -ci étaient très fortes. Elles faisaient vraiment peur », soutient Kodjané, un originaire du sous-quartier Fanti de ‘’la ville historique’’, ancienne capitale du pays, que nous avons trouvé marchant en bordure de mer. Il fait savoir que l’avancée de la mer est une réalité en ce sens que, précise-t-il, ‘’lorsque nous étions enfants, l’eau était vraiment loin d’ici (Ndlr : lieu où on se trouvait)’’. Il ajoute que les nombreux cocotiers qui se dressaient sur la rive ont été avalés par les eaux. Le président des hôteliers, restaurateurs de Grand-Bassam, Ablé Jacques-Alain s’appuyant sur les dégâts de la dernière catastrophe, confirme la menace de l’avancée de l’Océan Atlantique. « Tous les hôtels de la plage ont été touchés. Transats, lampadaires, instruments de protection de la plage, tout est parti », déplore-t-il. Et de préciser que les dégâts ont été proportionnels à l’occupation que les hôteliers ont faite par rapport à la mer. « Ceux qui avaient les piscines et des clôtures un peu avancées ont été détruites », confie-t-il. Selon lui, les dégâts ont été considérables. Nombre d’opérateurs ont perdu entre 12 et 15 mètres de plage lors de ces derniers bouleversements. Le directeur technique de la mairie de la première capitale de la Côte d’Ivoire, Bakayoko Kassoum, conforte l’ampleur des dégâts occasionnés par l’Océan. « De Mondoukou à Azuretti, toute la zone a été touchée.», relève-t-il. L’avancée de la mer, en raison de l’érosion côtière, est une réalité. Et cela est ressenti tout au long du littoral. « Pendant la période de mauvaise mer, l’Océan a gagné de 15 à 20 mètres sur le continent à Bassam », relate le patron du service technique de la collectivité territoriale. Il poursuit pour dire que de 1960 à nos jours, la mer a gagné plus de 100 mètres sur le continent. Cela ne fait l’ombre d’aucun doute. L’Océan se rapproche davantage de la côte et des villages. L’avancée de la mer est une certitude pour Abraham et ses parents qui vivent à Jean Folly (Port-Bouët). Alors que la distance qui séparait leur concession de la mer était de l’ordre de 100 mètres il y a de cela une dizaine d’années, elle est aujourd’hui de moins de 10 mètres.
Cette poussée de la mer s’explique, selon les Océanologues. Le spécialiste en questions environnementales, Lombardo Cédric est formel sur la question : « Vous avez une érosion mécanique, permanente. Chaque année, le long du littoral, la mer gratte et elle dépose un peu de sable. Comme elle a tendance à gratter beaucoup plus qu’elle ne dépose de sable, on assiste à une érosion côtière », affirme-t-il. A ce phénomène permanent, s’ajoutent, selon lui, des phénomènes exceptionnels assez rares qui font des percées sur la rive. C’est un bouleversement pareil qui est survenu au mois d’août 2011 et qui a provoqué la disparition de 25 mètres du littoral et 2 mètres d’épaisseur de la plage. Une véritable menace. « Si on a encore deux ou trois érosions exceptionnelles comme celle qu’on vient de vivre, peut-être que c’est toute la plage qui va disparaître », s’inquiète le spécialiste. Pour certains observateurs, il y a de quoi craindre pour l’avenir, face à ces bouleversements surtout quand on fait une projection dans l’avenir. Si les choses restent en l’état et qu’on considère que chaque année on perd en moyenne, près d’un mètre de terre du fait de l’érosion permanente, il est certain que dans 20, 30 ans, Abidjan, Grand-Bassam et d’autres villes de Côte d’Ivoire n’existeront plus.
Devant cette réalité, le rapprochement de l’Océan des lieux d’habitation s’avère inquiétant. Les populations d’Azuretti apeurées et craignant de voir leur village disparaître sous l’effet de l’érosion côtière exceptionnelle comme celle qui s’est produite en août 2011, ont même saisi l’autorité municipale de l’ancienne capitale coloniale relativement à cette menace.
Proximité des domiciles
Avec le rapprochement de la mer de la côte, il n’existe pratiquement plus de distance de sécurité entre les vagues et les habitations. Le domaine public maritime n’est plus respecté. La contigüité de la clôture du domicile de dame Philomène Kacou Agnimou épouse Grobo à Gonzagueville avec la mer, en est un témoignage patent. La proximité des domiciles de l’Océan fait vraiment peur, aujourd’hui. Le visiteur qui arrive ces temps-ci en bordure de mer à Gonzagueville et à Jean Folly (Port-Bouët) pour la première fois, est tout de suite frappé par le rapprochement des maisons de l’eau. Une vie à risque aux antipodes de la réglementation en vigueur. Pour certains observateurs, le non respect du domaine public maritime n’est toujours pas le fait des populations. D’ailleurs, sur la convenance de la vie sur le littoral, la réponse du Directeur technique de la mairie de Grand-Bassam est toute simple. « Les villages tels Azuretti et Mondoukou sont des sites naturels qui étaient là depuis belle lurette et en conséquence, les gens sont autorisés à y vivre », tranche-t-il. Relativement à l’occupation du domaine public maritime, il indique que ces riverains autorisés à l’époque à vivre là où ils se trouvent parce que des dispositions avaient été prises, ont été simplement victimes des aléas de la nature. « Au fur et à mesure que les années passent, l’Océan gagne du terrain sur le continent et c’est ce qui donne l’impression que le domaine public maritime n’est pas respecté alors qu’il l’était à l’origine », clarifie le responsable technique de la collectivité territoriale qui ne manque pas de préciser que ces gens là vivaient à ces endroits depuis des vingtaines voire des trentaines d’années. Cela fait certes longtemps que ces villages sont là. Mais le droit de se loger ne doit pas faire oublier le danger que représente la vie sur certains de ces lieux. A Port-Bouët par exemple, le danger est réel du fait de la fragilité du littoral composé essentiellement de sable. « Nos côtes se sont fragilisées parce qu’il y a trop d’activités au niveau du littoral », reconnaît le professeur Ochou Abé Delfin, Directeur général de l’Environnement au ministère de l’Environnement et du développement durable. Selon qui, le rapprochement excessif des êtres humains de la mer est un danger permanent.
En dépit du danger, particulièrement à Port-Bouët, certains sinistrés qui avaient même déserté le littoral vu les risques, reviennent s’y installer agissant comme s’ils défiaient à la limite les vagues. D’autant que la plupart d’entre eux vivent dans les restes de bicoques qui ont été presque totalement emportées par les eaux en août 2011. Les concernés, s’expliquent difficilement cette présence dangereuse. Rigobert Miassi de nationalité togolaise fait partie des téméraires. Sa bâtisse de huit pièces de l’époque, située à Gonzagueville Corridor a été engloutie dans sa presque totalité par le raz-de-marée. Seule une pièce qui présente des fissures, a échappé à ce triste sort. Ses locataires qui ont presque tout perdu sont allés élire domicile ailleurs. Le maître des lieux a évacué son épouse et leurs quatre enfants au lendemain du déluge. Sa compagne et les deux plus petits enfants ont rejoint ses beaux-parents. Les deux autres enfants ayant respectivement 12 et 16 ans sont confiés à des amis au quartier Jean-Folly. Le père de famille que nous avons surpris en train de colmater un pan de la fondation de sa concession balayé par l’eau de ruissellement quelques semaines après le déluge, lui n’est jamais parti de là. Motif évoqué : il n’a eu aucun point de chute. En dépit du danger certain, le sieur Rigobert Miassi va par-dessus le marché, chercher à la rentrée des classes, ses deux enfants, les plus âgés qui le rejoignent. Sa progéniture partage avec lui, la seule pièce qui a été miraculeusement épargnée lors de la catastrophe. « Je les ai ramenés ici pour qu’ils soient proches de leur école », se défend-il. A la question de savoir s’il n’a pas peur de vivre dans cette zone, notre interlocuteur dit se confier à Dieu. Un comportement irresponsable, dirait-on. Comme ces deux enfants, nombre d’infortunés sont revenus depuis quelques temps sur le site sinistré. « Quand la mer a détruit nos maisons, je suis allé vivre avec des amis à Jean-Folly. Mais depuis quatre mois, je suis revenu parce qu’on ne peut pas vivre indéfiniment chez quelqu’un d’autre », argumente Narcisse Konan, un autre infortuné vivant sur le site. Pour la présidente du collectif des victimes de Port-Bouët, les sinistrés agissent ainsi parce qu’ils n’ont pas le choix. « Nous avions hébergé les victimes dans la solidarité africaine. Elles partageaient tout avec leurs tuteurs. Mais avec la promiscuité on assiste de temps en temps, à des énervements. Et quand les gens n’arrivent plus à se contrôler, ils préfèrent retourner sur les ruines que de rester là à subir des humeurs », justifie-t-elle ces mouvements de retour.
Kouadio Emmanuel qui exerce une profession libérale vit également avec son épouse et leurs trois enfants dans une bicoque à quelques mètres de l’Océan. Ayant fui auparavant le littoral, les membres de cette famille qui évoquent un manque de moyens financiers pour justifier leur retour, ont choisi de venir vivre à nouveau dans la baraque qu’ils occupaient par le passé. Attendant un appui des autorités locales ou nationales. « Si le gouvernement trouve un autre site pour nous, on va aller se débrouiller là-bas », souhaite-t-il ardemment. Une vie véritablement à risque surtout qu’entre l’Océan et cette habitation de fortune, aucun moyen de protection n’existe. Seul un dépôt sauvage d’ordures créé à deux pas de la bicoque sépare les deux entités. Pendant les échanges, notre interlocuteur nous informe que la maison qui se trouvait entre sa baraque et la mer a malheureusement disparu. Malgré la dangerosité de cet endroit, il se dit serein. On le voit, le risque que courent certains riverains est grand.
Limiter les dégâts
La question de l’érosion côtière est préoccupante, aujourd’hui. Le Directeur technique de la mairie de la ville historique qui en est conscient, tire la sonnette d’alarme en ces termes : « Si nous ne prenons garde, le quartier administratif de Grand-Bassam qu’on appelle quartier ‘’France’’ pourrait disparaître ».
Imaginons un seul instant que des catastrophes similaires à celle du mois d’août 2011 se reproduisent. Que deviendraient les personnes qui dorment dans des baraques à proximité de la mer ? Le danger est certain.
C’est pourquoi, il faut agir en bâtissant les ouvrages et infrastructures qu’il faut pour assurer la défense du littoral. La construction de jetées d’arrêt de sable, comme le conseille M. Lombardo Cédric, expert en Environnement pourrait, dans ce cadre, être bénéfique à plus d’un titre.
Cette solution, même si elle n’est pas la solution définitive, aura le double avantage de permettre de protéger l’environnement fortement menacé et de préserver de nombreuses vies humaines. Mais, avant même la fin des études et la mise en route de ces projets dont les coûts sont élevés, quelque chose mérite d’être fait dans l’urgence pour la protection des riverains.
Il est nécessaire d’agir dans l’urgence pour éviter l’irréparable. C’est pourquoi l’œuvre du comité interministériel mis en place pour se pencher sur la question du littoral doit être consolidée. A ce niveau, il faut saluer la mission d’experts hollandais venue à l’invitation du ministère de l’Environnement et du Développement durable et qui a fait une première analyse de terrain. Dans ce schéma, les études techniques qui doivent être réalisées par le CIAPOL (centre ivoirien anti-pollution) avec l’Université de Cocody, le CURAT (centre universitaire de recherche et d’application en télé-détection), pour pouvoir mesurer, quantifier et analyser le phénomène et qui vont certainement mettre du temps, doivent être boostées. En plus, si un recasement et un déguerpissement sont prévus comme l’affirment certains sinistrés, ils doivent se faire le plus vite possible pour ne pas que, comme le dit la présidente du collectif des victimes de Port-Bouët, ‘’le pays ait à nouveau des morts sur la conscience’’. Nous avons déjà enregistré trop de morts du fait de la crise post-électorale, lors de graves accidents de la circulation et même par noyade. Si des riverains de la zone à risque doivent être évacués, c’est le moment de le faire. Surtout que les infortunés disent attendre les mesures et l’appui du gouvernement. Les autorités sont averties.
COULIBALY Zoumana
Ouverture nécessaire de l’embouchure de Grand-Bassam
Bouchée par le sable qui vient de part et d’autre, l’embouchure de Grand-Bassam maintes fois ouvert de façon provisoire, est aujourd’hui fermée.
Dans les années 1950, la population elle-même avait procédé à une ouverture provisoire. Ensuite, à la demande du gouvernement, le Port autonome d’Abidjan sous le maire feu Jean–Michel Moulod l’a ouverte au moins deux fois. La dernière ouverture provisoire, explique le directeur technique de la mairie de Grand-Bassam, Bakayoko Kassoum, date de 1998.
Avec le temps, le sable a bouché cette embouchure dont l’ouverture définitive s’impose
Du fait de cette fermeture on assiste entre autres, à un effondrement de la pêche, à une augmentation des moustiques dans la ville. C’est l’économie de Grand-Bassam même qui a changé du fait de la fermeture de l’embouchure, déplore un observateur. Et c’est « l’écosystème de la première capitale coloniale qui a changé », note un spécialiste des questions environnementales qui s’appuie sur le fait que les mangroves et les écrevisses qu’on y trouvait à l’époque, ont disparu. Il poursuit pour dire que « la vie naturelle a disparu puisque le contact eau salée eau douce n’existe plus. L’industrie hôtelière et le tourisme, pour lesquels la pêche a été pratiquement abandonnée, sont menacés par l’érosion côtière. Si l’embouchure de Grand-Bassam s’ouvre, on va restaurer le contact eau salée, eau douce et on rendra à la ville, sa vie de pêche. De plus, fait savoir le spécialiste en Environnement, avec « l’installation du VITIB (village des technologies, de l’information et de la biotechnologie), s’il y a un port de pêche, on peut avoir un port de plaisance. Et avec le port de pêche, il y a la possibilité d’avoir une petite unité de transformation de poisson. L’embouchure une fois ouverte, la digue d’arrêt de sable, au lieu d’entraîner l’érosion côtière, contribuera à un engraissement du littoral. Vu que l’embouchure est un instrument multi bénéfique, des dispositions constructives doivent être prises pour ne plus qu’il se bouche ». L’ouverture définitive de ce canal s’impose donc.
COULIBALY Zoumana
Philomène Kacou Agnimou épouse Grobo, présidente du collectif des victimes de Port-Bouët
« Notre crainte c’est que le pire peut arriver tous les jours »
Les sinistrés du raz-de-marée de Port-Bouët se sont constitués en collectif pour mieux se faire entendre. Dans cette interview, la présidente de ce collectif, Philomène Kacou Agnimou épouse Grobo interpelle l’Etat devant le danger qui plane sur le littoral.
Un raz-de marée a éprouvé les populations du littoral que vous êtes en août 2011…
Nous avons subi les plus gros dégâts et une grande frayeur dans la nuit du 24 au 25 août 2011. Les vagues de la mer qui ont l’habitude de nous bercer ont fait des bruits stridents répétitifs vers 4h du matin ce jour. Cela a coïncidé avec une coupure d’électricité ce qui nous a obligés à rester dans nos maisons respectives pour celles qui existaient encore.
Peut-on avoir une idée des dégâts ?
Heureusement, nous bénissons Dieu qui a préservé les vies humaines. Les dégâts ont été beaucoup plus matériels. Des appareils électro ménagers, des ustensiles de cuisine ont été emportés. De nombreuses commerçantes ont vu leur fonds de commerce partir avec les eaux.
A combien estimez-vous le nombre de personnes touchées par cette catastrophe ?
Au départ, nous avons dénombré 587 familles touchées. Aujourd’hui, nous sommes à 1040 familles qui se sont déclarées. C’est un phénomène qui a été continuel. Il y a eu le premier choc qui a fragilisé le sol et au fur et à mesure, il y avait l’écroulement du sable qui s’en allait. Donc, des pans de maisons qui continuaient de tomber. Quand on sait que par famille, on peut avoir un minimum de sept personnes, vous comprenez que c’est important.
Comment s’est géré le flux de sinistrés ?
Nous avons fait agir la solidarité africaine en sollicitant des personnes, des voisins immédiats et des églises pour pouvoir héberger les gens en détresse, le temps que la promesse faite par le gouvernement à savoir, effectuer le déguerpissement total du littoral et procéder au recasement des populations, se réalise.
Certains riverains qui avaient fui le danger, reviennent vivre sur le littoral. Pourquoi cela ?
Mais ils n’ont pas le choix. Je vous disais que nous avons agi dans la solidarité africaine pour héberger les victimes. Aujourd’hui, quand quelqu’un vous reçoit chez lui, vous restez là et partagez tout avec la personne. Mais la promiscuité fait que de temps en temps, vous vous énervez. Et quand on n’arrive plus à se contrôler, on préfère retourner sur les ruines que de rester là à subir les humeurs du tuteur ou de la tutrice. C’est pour cela vous voyez que bien qu’on les sensibilise à la dangerosité de la situation, ils préfèrent être là-bas que d’être dans les familles d’accueil.
Ne craignez-vous pas de nouvelles arrivées de vagues ?
C’est notre plus grande crainte. Tous les jours le pire peut arriver. C’est pourquoi nous lançons un cri de cœur à l’endroit des autorités. Nous avons confiance en elles. Nous savons que lorsque le président Ouattara Alassane prend une décision, il l’exécute. Quand il dit quelque chose, il le fait. Nous demandons humblement qu’il vienne à notre secours. Déjà la faim commence à faire des dégâts, nous n’avons pas d’eau potable. Si en plus de cela, une nuit on vient encore nous dire que la mer a emporté des familles, on aura cela sur la conscience.
Vous parlez de précarité des victimes, comment cette situation se présente-t-elle ?
Les riverains sont devenus des personnes fragiles aujourd’hui, parce qu’elles n’ont pas de moyens de subsistance, d’existence même je dirais.
En son temps, le Fonds des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) avait pris contact avec nous, nous leur avons présenté nos besoins en termes de nourriture et d’eau potable. Les gens sont là, ils n’ont rien à manger et ne savent où aller.
On a même des enfants qui sont des victimes. En majorité, ce sont des enfants qui ne peuvent même plus aller à l’école pour la simple raison que leurs extraits d’actes de naissance sont restés dans l’eau.
Qu’est ce qui a été fait pour ces cas?
Nous avons entrepris des démarches auprès du ministère de la Justice et de la mairie de Port-Bouët pour essayer au moins, de leur établir un extrait d’actes de naissance pour qu’ils puissent aller s’inscrire dans les établissements scolaires. Certains sont en classe d’examen et il leur faut déposer les dossiers maintenant. Qu’on nous facilite l’établissement des extraits d’actes de naissance de ces enfants-là. Parce qu’il y va de leur vie scolaire, de leur vie d’adulte et de leur vie professionnelle.
Qu’attendez-vous concrètement des autorités politiques ou administratives ?
Notre souhait, c’est que le programme arrêté par les représentants du président de la République qui étaient venus nous voir et qui a abouti à la prise d’une ordonnance soit véritablement appliqué. A savoir, la sensibilisation pour laquelle le collectif se tient à leur entière disposition pour une collaboration afin qu’on avance. Nous attendons la sensibilisation, le recasement et le déguerpissement. Cela y va du bien-être du pays, de la sauvegarde des infrastructures routières mais ça va aussi permettre de sauver des vies humaines. C’est toute une population qui place son espoir dans ces actions.
Réalisée par COULIBALY Zoumana
Interview
Lombardo Cédric, spécialiste en Environnement
« L’érosion côtière est une préoccupation urgente »
Au-delà du littoral ivoirien, ce sont les côtes Ouest africaines même qui sont menacées par l’effet de l’érosion côtière. Lombardo Cédric, spécialiste en Environnement lève un coin de voile sur cette réalité non sans proposer des pistes de solutions.
Il y a quelques mois de cela, les vagues ont fait des dégâts sur le littoral. Comment expliquez-vous cela ?
Les dernières semaines du mois d’août 2011, une érosion exceptionnelle a été constatée sur les côtes du littoral Ouest africain. Il n’y a pas qu’Abidjan et Grand–Bassam qui ont été frappées. Plusieurs villes ont été touchées, à des degrés différents. Sur l’axe Abidjan Grand-Bassam, l’érosion s’est manifestée notamment au niveau de Gonzagueville par l’effondrement d’habitations, et Grand-Bassam a perdu 25 mètres de longueur de plage sur 2 mètres d’épaisseur. C’est ce que l’on appelle des phénomènes d’érosion exceptionnelle. Vous avez deux types d’érosion, tout d’abord l’érosion mécanique, permanente. Chaque année le long du littoral, la mer gratte et elle dépose un peu de sable. Comme elle a tendance à gratter beaucoup plus qu’elle ne dépose, on assiste à une érosion côtière. La mer fait reculer le sable et puisque le sable recule, c’est la mer qui avance. Dans la région de Grand-Bassam et d’Abidjan et même jusqu’à Assinie, vous avez chaque année, une érosion qui peut causer la disparition de 50 cm, 1m voire 1,50 m de plage. Ensuite vous avez des phénomènes exceptionnels assez rares. En Côte d’Ivoire, on en a eu en 1984, 1987, 2007 et en 2011. Ces dates ont marqué des érosions avec des dégâts aussi importants que ceux que nous évoquons.
Qu’adviendra-t-il, si on fait une projection dans le futur ?
La projection dans l’avenir, si on part sur 20 ans avec 1,5 mètre de plage qui disparaissent par année, cela fait 30 mètres de plage. Si nous subissons en plus deux ou trois érosions exceptionnelles comme celle de 2011, c’est le village d’Azuretti qui va disparaître.
Si vous allez plus loin, dans 50 ans, en conservant ces hypothèses d’érosion naturelle et exceptionnelle, c’est toute la plage de Grand-Bassam qui peut disparaître. Or, Abidjan à vocation de devenir une des grandes mégapoles d’Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui on parle d’une population comprise entre 5 et 7 millions d’habitants. Dans 50 ans, la population de la capitale économique dépassera 10 à 15 millions d’habitants. En ce moment-là, Bingerville et Grand-Bassam seront des quartiers d’Abidjan. Si dans 50 ans nous n’avons pas la plage sur laquelle nous nous trouvons en ce moment, cela veut dire que les vagues iront frapper sur les bords de la lagune. C’est la plage de Gand-Bassam, aujourd’hui, qui empêche l’Océan d’arriver jusqu’à Bingerville. Donc à court terme, c’est gênant mais à long terme, c’est très inquiétant. C’est pour cela qu’à long terme, on doit planifier les choses.
Quand on parle de Grand-Bassam, de Gonzagueville, de Vridi, on parle de protection des infrastructures d’habitats et d’industries dont nous aurons besoin dans 50 ans. Si nous n’arrêtons pas l’érosion côtière que nous observons, ces habitats et ces industries seront inévitablement menacés.
C’est-à- dire qu’Abidjan est menacée ?
Si vous regardez à court terme, la menace est légère. Mais si vous regardez dans le long terme, Abidjan est menacée. Si vous multipliez un mètre par an d’érosion naturelle pendant 60 ans, vous perdez 60 mètres de plage. Ajoutez les quatre érosions exceptionnelles de 1984 et de 2011 qui ont, chacune, retiré au moins 20 mètres de sable, vous perdez encore 80 mètres de plage. Observez le cordon de sable qui va de Vridi à Assinie, à certains endroits, il peut disparaître. C’est mécanique et mathématique. C’est ce qui est dangereux.
Vous affirmiez tantôt que c’est tout le littoral qui est touché. Comment ce phénomène s’est-il manifesté ?
L’érosion côtière n’est pas la même selon la nature du sol. Quand vous êtes à San-Pedro, vous avez un sol de roches. La bataille entre la mer et le rocher n’est pas la même qu’entre la mer et la sable. A Grand-Bassam, il n’y a que du sable autour de nous. L’érosion n’est pas la même selon le profil de votre plage. Le deuxième facteur qu’il faut regarder, c’est le point de rencontre entre les grands fleuves de Côte d’Ivoire et la mer. La Comoé, le Cavally ou le Bandama. A chaque fois que vous avez une rencontre entre le fleuve et l’Océan, vous avez des rapports de force qui sont plus mouvementés. Quand on est à l’embouchure d’un fleuve, un jour c’est le fleuve qui est gonflé par la saison des pluies qui rentre dans l’Océan, déposant les sédiments qu’il transporte sur la plage. Un jour le fleuve est sous l’influence de la saison sèche et là, c’est l’Océan qui rentre dans son territoire déposant les sédiments qu’il transporte lui aussi sur la plage. C’est comme ça que s’est créée la grande lagune d’Abidjan.
Chaque ville a sa spécificité, le type de danger qui la menace …
Vous avez vu le danger de Grand-Bassam, d’ailleurs là, l’embouchure n’existe plus, elle est fermée. Ensuite vous avez Grand-Lahou, c’est l’embouchure du Bandama dans l’Océan. Grand-Lahou est une ville qui a déjà perdu sa ville historique. A l’époque, il y avait un quartier colonial qui a disparu. L’érosion côtière de Grand-Lahou est beaucoup plus rapide que celle de Grand-Bassam. Grand-Lahou est une ville qu’on savait qu’on allait perdre à l’époque. La ville est construite, aujourd’hui en hauteur. Si vous vous y rendez, vous allez voir qu’il y a longtemps que les gens ont quitté le bord de la plage pour aller se réfugier ailleurs. C’est comme si la population de Grand-Bassam s’était déplacée à Bingerville.
A San-Pedro, la chance est d’avoir un port là-bas. Quand il y a un port, vous avez des ouvrages qui sont bâtis par les hommes. Ces ouvrages permettent de mieux résister aux érosions. Le port à une telle importance économique qu’on investit dans des ouvrages pour maintenir l’embouchure ouverte et réduire les phénomènes d’érosion. Chose qui n’a pas été faite à Grand- Lahou et c’est pourquoi la ville a disparu. San-Pedro à toutefois des points de faiblesses.
Lesquels ?
Vous avez une des jetées, la jetée Ouest du port de San-Pedro, qui a subi des dégâts lors de l’érosion de 2011. La jetée Est manifeste également des signes d’affaiblissement. Le maintien de ces ouvrages est indispensable, sinon le port de San-Pedro sera menacé.
Ce qu’il faut retenir, c’est que selon que votre profil de plage est rocheux ou sableux, est une embouchure ou non, les rencontres entre l’Océan et la plage ne se passent pas de la même manière. Si votre plage est sableuse, à proximité d’une embouchure, elle est faible, comme à Grand-Lahou. Si votre plage est rocheuse et que votre embouchure est aménagée par des ouvrages, votre plage est forte comme c’est le cas à San-Pedro.
Toutefois, les ouvrages bâtis par l’homme peuvent aussi engendrer une érosion. Quand vous êtes au canal de Vridi, regardez bien ce qui se passe. La jetée Ouest est une digue dont le rôle est d’arrêter le sable pour l’empêcher d’entrer dans le port. Le sable s’accumule sur cette digue et augmenta la taille de la plage. Mais de l’autre côté de la digue, à l’Est, des mouvements vont se former, qui augmenteront l’érosion de la plage. Si vous allez sur la plage Est de Vridi, vous vous rendez compte immédiatement de l’intensité de l’érosion de cette plage, alors qu’à l’Ouest on assiste à une croissance de la plage.
Que se passe-t-il ailleurs?
Vous allez vous rendre compte que Cotonou (Ndlr : au Bénin) est une ville comme Abidjan, construite en bordure de mer. Il y a une lagune, un fleuve qui arrivent. Là-bas, depuis plusieurs années, ils ont commencé à bâtir des ouvrages de défense. Là-bas, les gens ont bâti les ouvrages nécessaires. Si vous allez à Dakar (Ndlr : Au Sénégal) vous avez le même problème de l’érosion côtière, si vous allez à Nouakchott en Mauritanie, c’est encore pire. Nouakchott est l’une des zones les plus fragiles. Une étude a même estimé que 80% de la ville de Nouakchott serait menacée par l’érosion côtière à court terme, l’eau de mer passe parfois en dessous du sable et rentre dans la ville. Le problème de l’érosion côtière est un problème qui concerne toute l’Afrique de l’Ouest.
Comment sauver la situation ?
Vous avez de nombreux pays qui se construisent ou qui se sont construits en avançant sur la mer. Si vous prenez la Hollande, c’est un pays qui avait un tout petit territoire. Mais il avait de nombreuses frontières océaniques. A la différence que là-bas, l’Océan n’est pas violent comme peut être le nôtre. La Hollande a repoussé le sable, elle est allée même prendre du sable dans la mer pour venir en faire des avancées de sable. C’est ainsi qu’a été construit une bonne partie de ce territoire. Si vous allez dans la péninsule arabique, vous avez Bahreïn par exemple ou les Emirats Unis qui construisent des îles. L’homme sait comment bâtir sur l’Océan. L’érosion côtière n’est pas une malédiction. Maintenant, la seule question, c’est de savoir si nous avons les moyens d’étudier des stratégies de défense du littoral et les moyens de les mettre en œuvre. Reprenons la ville d’Abidjan et son canal de Vridi. Abidjan est dans votre dos, l’Océan est devant vous. Vous verrez qu’à l’entrée du canal de Vridi, à votre droite on assiste à un phénomène d’engraissement du littoral. On y a mis un grand mur dans l’océan, une digue, perpendiculaire à la terre. Cette grande digue a vu du sable s’échouer, et petit à petit, la plage à votre droite a augmenté. C’est ce qu’on appelle une jetée d’arrêt de sable. C’est un mur dans l’Océan qu’on prend pour arrêter le sable. Le sable vient, il se dépose et la plage augmente. Mais à votre gauche, de l’autre côté de votre digue, vous voyez qu’il y a une érosion qui se manifeste. L’Océan va déposer du sable sur la digue Ouest, mais en rencontrant et en dépassant cet obstacle, l’océan va créer des remous qui gratteront la côte en provoquant une érosion.
Comment remédier à cela ?
La science a fait de grands progrès en termes de simulation du comportement des côtes selon les ouvrages bâties. Ces simulations permettent d’identifier le type d’ouvrage de défense et sa position pour réduire les remous. Des ouvrages peuvent être bâtis pour briser les vagues, pour capturer les sables, ou renforcer les plages. Selon les profils des plages et l’importance des lieux à protéger, des ouvrages peuvent être définis et construits. Et a chaque fois, il faut faire attention à ce que la solution apportée à un endroit n’apporte pas des dégâts à un autre endroit. Vous savez, avec l’environnement, quand vous jouez d’un côté, il y a autre chose qui va se passer de l’autre côté. Donc il faut faire de multiples simulations pour trouver le bon équilibre.
Ces érosions sont-elles liées au changement climatique ?
Vous avez une dérégulation climatique qui se met en place. L’érosion que nous avons, peut être normale. Nous ne pouvons pas, à chaque phénomène exceptionnel, dire que c’est le changement climatique. A chaque saison des phénomènes environnementaux exceptionnels peuvent se manifester. Maintenant, vous avez vu ce qui s’est passé pendant les trois derniers trimestres. Inondations exceptionnelles en juin 2011, érosion côtière exceptionnelle en août 2011, harmattan exceptionnel en janvier 2012. Là nous avons un cumul de phénomènes exceptionnels et là, nous pouvons penser que le changement climatique est en cause.
Réalisée par COULIBALY Zoumana
Entretien
Ochou Abé Delfin, directeur général de l’Environnement
« Les riverains véritablement menacés devraient déménagés en attendant les solutions de l’Etat »
Sans faux-fuyant, le Directeur de l’Environnement du ministère de l’Environnement et du développement durable, Pr Ochou Abé Delfin, fait une lecture de l’épineuse question du déguerpissement. Il parle au passage des missions assignées au comité inter ministériel de lutte contre l’érosion côtière mis en place.
Suite au raz-de-marée survenu, le gouvernement s’est saisi du dossier. Qu’est ce qui a été fait ?
Il faut dire que le problème de l’érosion côtière est partagé par le ministère de l’Environnement et du développement durable et par un certain nombre de ministères. La question pose des problèmes transversaux, de l’environnement, des populations, de l’économie, etc. Le gouvernement a pris le problème à bras le corps en prenant un arrêté portant création du comité inter ministériel de lutte contre l’érosion côtière. Ce comité présidé par l’ex- Premier ministre, S.E.M Guillaume Soro Kigbafori, mis en place le 21 octobre 2011 a commencé à travailler.
Quelles sont les missions assignées à ce comité ?
Ce comité interministériel composé de 12 ministères qui sont concernés plus ou moins par le problème a pour missions de proposer et de conduire l’ensemble des études et projets relatifs à l’érosion côtière et à la protection du littoral ivoirien. Il a aussi pour charge de proposer des mesures préventives et correctives dans le cadre d’un plan national de lutte contre l’érosion côtière et à la protection du littoral ivoirien, de délimiter les zones non constructibles et non habitables le long du littoral, de sensibiliser les populations des zones sinistrées ou à risque en vue de leur réinstallation sur d’autres sites. Recenser les victimes de l’érosion côtière et évaluer les préjudices subis.
Le secrétariat technique du comité est assuré par le ministre de l’Environnement et du développement durable. Au niveau de ce comité il y a un comité technique qui est composé certes, des représentants des 12 ministères mais aussi d’autres structures notamment étatiques, des collectivités territoriales. Voilà ce que dit l’arrêté n° 090/PMMD/CAB/ du 21 octobre 2011 portant création de ce comité interministériel de lutte contre l’érosion côtière qui va faire des investigations dans le cadre de l’érosion côtière pour véritablement trouver des solutions idoines à ce problème qui est aujourd’hui mondial.
Et qu’a fait concrètement ce comité interministériel ?
Quand ce comité interministériel a été mis en place, il s’est mis automatiquement au travail. Suite à des investigations de ce comité, nous avons mis en place une structure scientifique et une mission a été conduite en Hollande par le ministre de l’Environnement et du développement durable. Par la suite, des experts hollandais sont venus. La Hollande est un pays qui a connu beaucoup les problèmes de l’érosion côtière. Ce pays qu’on appelle les Pays-Bas, sont en dessous du niveau de la mer. Donc c’est un pays qui a connu beaucoup d’inondations et aujourd’hui, ils ont pu maîtriser tout cela par des technologies mises au point. Après cette visite, une mission est venue ici et en relation avec les scientifiques et les universitaires, ils ont pu diagnostiquer le problème. Parce que les solutions à trouver ne sont pas les mêmes selon qu’on se trouve à l’Est, au Centre ou à l’Ouest de la côte. Parce que la morphologie de la côte n’est pas absolument la même. Nous sommes actuellement dans cette dynamique et il y a un plan de lutte qui doit être mis en place par le comité interministériel. A partir de là, toutes les études préliminaires qui vont se faire vont aboutir à des solutions plus appropriées. Il s’agit d’utiliser des solutions mathématiques et physiques pour comprendre comment le phénomène se manifeste. Une fois qu’on a bien compris comment le phénomène se manifeste sur une partie donnée, alors on peut apporter des solutions appropriées. Quand ces solutions sont appropriées, elles sont beaucoup plus durables. Mais on ne va pas se lever pour dire, on doit construire une digue, un mur par ici. La force de la mer est trop grande et va emporter tout ce que nous allons construire de façon hasardeuse. Donc nous devons regarder vers la voie de la solution durable. Et la solution durable, c’est la solution scientifique, scientifiquement étudiée. Bientôt, un comité scientifique ad hoc va être mis en place au niveau de la Côte d’Ivoire. Actuellement, un certain nombre de scientifiques ont travaillé avec le ministère de l’Environnement et du développement durable précisément avec le secrétariat technique pour regarder tout ce qu’il y a à faire. Bientôt le plan va être mis en place avec ce comité ad hoc qui va donc apporter des solutions pour aller naturellement vers des mesures à prendre. S’il faut sur certaine partie de la côte déguerpir les populations, le comité inter ministériel va proposer cela au gouvernement qui va donc prendre les dispositions pour le faire.
Il faut le savoir, certaines infrastructures sont aussi menacées. Il y a l’aéroport d’Abidjan qui n’est pas loin de là. Il y a la route de Grand-Bassam qui n’est pas loin de l’aéroport. Donc l’autoroute qui va être construite est aussi menacée et à besoin d’être retracée.
Avez-vous sommé les riverains très proches de la mer à quitter les lieux ?
Lorsque le phénomène s’est produit, nous avons envoyé une équipe sur place pour essayer d’apprécier le niveau des dégâts et de l’avancée de la mer. C’est sur cette base que nous avons vu qu’il y a eu une avancée de près de 10 mètres alors que la moyenne annuelle est d’environ un mètre. Nous nous sommes rapprochés de la mairie qui avait commencé à prendre des dispositions avec les populations. Les populations mêmes se sont organisées. Nous savons qu’il y a des choses à faire mais si on veut déguerpir les populations, il faut des mesures d’accompagnement, je dirais pour dégager ces populations. Pour le moment, c’est sur la base d’un plan d’actions chiffrées que nous devrons pouvoir le faire. L’Association des victimes est venue nous rencontré ici et nous leur avons promis que nous devrions trouver des solutions idoines mais véritablement durables. Parce qu’une solution précipitée ne règle pas le problème. Et il peut se trouver que cette solution précipitée va demander de gros moyens dont nous ne disposons pas. Pour le moment, la commune de Port-Bouët devait avec les populations, trouver des solutions palliatives pour que les uns et les autres en fonction de leur situation voient ce qu’il y a lieu de faire. Parce que vous comprenez que quand il pleut, chacun sort son parapluie. Quelqu’un qui se sent véritablement menacé devrait pouvoir chercher à déménagé en attendant que le gouvernement apporte des solutions idoines. Mais si vous restez là, c’est compliqué pour vous. C’est dommage de le dire ainsi. Mais il faut que les gens eux-mêmes comprennent le danger qu’ils courent en s’installant juste à côté de la mer. Ce qui est sûr, c’est que le gouvernement avec l’ex- Premier ministre et le ministre Allah Kouadio Rémi ont pris à bras le corps ce problème et sont entrain de chercher des solutions qui vont être durables.
Un déguerpissement est donc prévu?
S’il faut déguerpir certaines populations peut-être pas toutes, ça dépendra du niveau du danger. On va prendre bientôt, un certain nombre de mesures par des études rapides qui sont faites. Le gouvernement y travaille. Pour l’heure, nous disons que le problème de l’extraction du sable est un véritable problème. Le fait que les gens prennent la plage comme un endroit où ils créent des mines de sable est dangereux. En extrayant le sable de la plage, on fragilise la côte et la mer peut avancer plus rapidement. Il faudrait que les uns et les autres pensent à ne pas le faire. Et je crois que l’une des recommandations des scientifiques, c’est d’interdire l’extraction de sable. Bien sûr, il faudrait que les gens se rabattent sur d’autres endroits pour faire l’extraction de sable puisque nous en avons besoin aussi pour les constructions d’habitats.
Quelle doit être la distance à observer entre les domiciles et la mer ?
Ce que je peux dire, c’est qu’il n’y a pas de distance standard. La distance doit être fonction de la résistance de la côte par rapport à la force de la mer. Si vous êtes dans une zone rocheuse, où la protection est tout à fait naturelle, les gens peuvent rester derrière les rochers sans être menacés. Mais si vous êtes sur une plage sablonneuse, il est clair qu’il faut rester beaucoup plus loin. Par exemple quand je prends au niveau d’Adjouffou et de Gonzagueville, les gens ne devraient normalement pas construire entre la route et la mer. Ceux qui sont là, sont les premiers exposés avant que ça ne vienne de l’autre côté même si ceux là également sont exposés. On ne peut pas donner une distance mais quand déjà on voit ce qui se passe à Port-Bouët, on devait rester loin du phare, rester loin de la route qui va vers Grand-Bassam.
Réalisé par COULIBALY Zoumana
Publiée in Le Patriote N° 3697 du 15/3/2012
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